samedi 24 juillet 2010

Singapour

C’est ainsi, 10 jours avant mon repos que Philips (la marque, pas le vendeur de glace), client régulier de notre agence a désiré me voir intégrer son équipe de design à Singapour pour une semaine, afin de supporter un projet en cours.

Quelle belle preuve de confiance d’abord mais surtout quelle chouette occasion pour aller voir cette ville pour laquelle mes a prioris n’étaient pas forcément tendres. Allons les confronter à la réalité.

Me voilà donc dans l’avion qui me mène à Singapour en à peine 2h depuis Bangkok. Ça me fait tout drôle car du haut de mes 24 ans, c’est la première fois que je vais là-bas mais c’est surtout mon premier voyage professionnel. Eh oui, il est bien question de s’amuser quand mon planning me le permettra mais l’idée est bien de bosser avant tout.


J’arrive donc à l’aéroport de cette toute petite île de 40 km de long à peine. Il est peut être important avant de me lancer dans une quelconque narration, de vous raconter rapidement l’histoire de Singapour. 2 secondes devraient suffire car cette fameuse histoire remonte seulement à l’indépendance de l’île tout juste après la seconde guerre mondiale quand la Malaisie dont elle faisait partie, libérée au passage du joug colonial britanouille mais trop affaiblie par ses querelles internes ne sut retenir son petit bijou économique : Singapour, autoproclamé indépendant. La suite fut la sulfureuse ascension de ce micro-pays dans les affaires économiques du continent et bien au-delà.

Deuxième port en tonnage d’Asie après Tokyo, deuxième bourse financière également. C’est un paradis pour de nombreux sièges sociaux internationaux qui cherchent à s’approcher des nouveaux dragons asiatiques sans prendre trop de risques pour leurs investissements. Car si ce petit bout d’état est toujours très convoité par ses gourmands voisins que sont l’Indonésie et la Malaisie, l’île a su au cours de ses 50 dernières années rester une place fiable, paisible, et sécurisée contrairement à cette région du monde. En même temps, quand on voit l’histoire politique de la Thaïlande, du Cambodge, de la Malaisie, du Vietnam, des Philippines, du Bangladesh ou de l’Indonésie, le contraste ne peut être que d’autant plus fort. A son plus grand plaisir.


Ainsi,dans le taxi me menant à mon hôtel (tous frais payés par mon agence, youpi!!) on arrive très vite dans le cœur de la ville. Les buildings sont bien sûr en nombre mais ma première impression n’est pas celle à laquelle je m’attendais. Les rues sont larges et couvertes de magnifiques arbres tout feuillus. Les parcs sont fréquents sur les bords du chemin, la circulation automobile semble beaucoup plus paisible que celle que je connais à Bangkok. Enfin la ville semble plus propre qu’en Suède (chose impossible comme nous l’aurait expliqué Coluche : car plus blanc que blanc on se demande bien ce que c’est! Mais bon, c’était pour la métaphore vous l’aurez bien compris!!).

Ainsi, Singapour mérite bien ses deux surnoms de « ville-jardin » et de "ville la plus propre du monde". Je confirme mon commandant :)


Arrivé à mon hôtel tout neuf, je file vers ma chambre avec l’air conditionné à fond les ballons et découvre avec un immense sourire que la piscine est au bout du couloir, chouette. Vous imaginez bien que je ne vais pas manquer d’en abuser surtout avant d’aller bosser le matin, quel pied! Nous sommes au 8ème étage et la vue est d’autant plus sympa qu’au loin, le cœur de Singapour semble dresser son torse par l’intermédiaire de ses buildings ultra modernes.

Un petit saut dans la flotte puis on va découvrir tout cela.
J’ai, à vrai dire, la flemme de prendre un ticket de bus et c’est une bonne opportunité pour découvrir la ville à pied car d’après ma carte cela semble accessible. Mon intuition n’est pas trop mauvaise mais c’était sans compter sur le fait que mon plan tiré sur Google Map est à l’échelle 100 000 donc logiquement je me paume.

Je m’adresse donc à quelques autochtones pour demander ma route jusqu’à ce que je me rende compte que certains d’entre eux ont un accent que je connais bien. Un peu le même que le mien, disons. Je ne mets pas longtemps à être démasqué à mon tour ce qui fait aussitôt passer notre discussion dans la langue de Molière. Bien plus pratique pour piger la route. C’est que les Frenchies sont en nombre ici. Pas loin de 20 000. Mais quand même bien loin des anciens colons britanniques qui sont apparemment encore 100 000 à vivre ici. Cela donne ainsi un pourcentage de 6% d’occidentaux dans la population Singapourienne, ce qui n'est pas mal.

Je trouve enfin ce que je cherchais : le quartier Orchard.
Cœur névralgique de Singapour, c’est ici que sont implantés tous les centres commerciaux de la ville, donc de l’île, donc de tout le pays quoi :)


Car ici quand on parle de centre ville on ne parle pas de centre historique avec de beaux monuments, car il n’y en a tout simplement pas. Par contre nous sommes en Asie ne l’oublions pas et tout tourne autour de la consommation dorénavant. Et comme le monde tourne souvent autour d’un rapport de force basé sur la taille de ce que l’on possède (avec sous entendu bien sûr!), les asiatiques en ont ainsi de très gros!!…..centres commerciaux, je veux dire!!! :)





Donc il y a de chaque côté de Orchard Road des cubes de béton vitrés de 10 étages, remplis de magasins en tous genres. Toutes les merdouilles qu’on trouve partout sur cette planète en fait. Les grandes marques et les moins grandes. Tout pour oublier qu’on n'est pas à Singapour mais peut-être dans les galeries Lafayette à Paris, un Corte Ingles à Madrid ou au Rockefeller Center à New York. Seule la couleur du billet change.



Je passe toutes les vitrines en express, et de toute façon j’ai pas un rond à dépenser.
Puis je prends un taxi pour aller en direction de Little India : « Please, go to Mustafa Center ».

Là, je change de monde en un rien de temps. Les supers centres commerciaux pleins d’occidentaux et de riches moyen-orientaux venus remplir leur valises de merdouilles détaxées, sont substitués par des foules d’indiens (pas les mêmes que pour Christophe Colomb) qui débordent du long des trottoirs un peu plus défoncés. Je crois que le quartier porte bien son nom. Le changement est si incroyable que je me demande même si je ne vais pas devoir passer une frontière et sortir mon passeport.



Me voici donc devant le Mustafa Center avec plusieurs milliers de nouveaux partenaires de fortune qui attendent je ne sais quoi. Moi je sais ce que j’attends, et il s’appelle Achille.

Car si le monde est vaste, celui du design tient dans une poche (pas celle de Mary Poppin’s sans quoi l’image n’est pas la même!). Donc Achille est diplômé de la même école que moi, et même mieux encore, j’ai déjà bossé avec son père sur mes fameux projets de maisons perchées dans les arbres, très belle aventure pour moi d’ailleurs. Il est plus âgé que moi, mais a lui aussi, choisi l’exil pour vivre pleinement ses premières aventures professionnelles et a donc atterri il y a 2 ans de ça dans une agence US ici, à Singapour.

Un vrai plaisir de retrouver ce petit mec bien sympatoche. Qui, qui plus est, va pouvoir me montrer les meilleurs coins du quartier de Little India.

La foule n’a pas désempli, bien au contraire elle semble avoir encore grossi. En revanche s’il y a beaucoup de monde, il ne semble y avoir que des hommes. Certains se tiennent la main, d’autres se chamaillent gentiment, l’ambiance est assez folle. Nous sommes en fait dimanche soir, seul jour de repos pour beaucoup d’entre eux au milieu d’une semaine de boulot éreintante, et bien que peu soit en mesure de dépenser de l’argent, tout le monde sort pour se payer un bon bain de foule.

Notre groupe de Frenchies s’est d’un coup bien enrichi : d’abord de Matilde la fiancée d’Achille, de leurs co-locs Jean-Jacques et Chloé ,plus de quelques amis de passage à Singapour et enfin d'une sympathique japonaise qu’Achille a rencontrée dans l’avion deux jours plus tôt.




Groupe très original mais bien prêt à se marrer.
Nous sommes un peu en Inde donc il s’agirait de manger un peu local. On pénètre donc dans un resto Indien. On enchaine une multitude de plats divers que nos hôtes du soir se sont chargés de commander. C’est très riche en goût et tout le monde apprécie.

Puis la soirée continuera dans un petit bar perdu entre quelques hôtels à prostituées, où quelques bières Indonésiennes auront vite fait de nous donner un peu plus de bonne humeur.






Une bien belle journée et surtout encore des rencontres bien chouettes.
Le lendemain c’est un autre costume que j’enfile car les tongues et le pantacourt je crois pas que ce soit le costume officiel chez Philips.

Je me pointe donc chez mon nouvel employeur (au moins pour cette semaine). Et l’accueil y est génial. Je ne mets donc pas beaucoup de temps pour m’intégrer à l’équipe et aux projets qui me sont refilés. Le studio est bien décontracté, et bien installé avec petit bar, canapé, machine à café dernier standing et tout le tralala pour bien créer :). Aux designers singapouriens, on rajoute un chinois, un indien (reflet du melting-pot local), quelques hollandais bien sûr, faciles à reconnaitre car ils font plus de 1,85m (les filles aussi:), un anglais, et une française comme toujours. Ils sont vraiment partout décidément.

Une bien belle équipe en tout cas qui se retrouve au repas autour d'un bon porridge de riz pour entamer des discussions plus décontractées.




Leonard, mon voisin de travail est un mec tout à fait génial et il n’hésitera pas à me servir de veritable guide dans les petites affaires internes et les projets de la boite… Un mec super chouette qui est le résultat peu probable entre deux parents d’origines Chinoise et Indienne (incroyable quand on connait les divergences de ces deux super-cultures). En plus de tout ça, il travaille donc à Singapour et vit à Hong-Kong où travaille sa femme. Si après ça vous n’êtes toujours pas convaincus de la mixité culturelle et de la mouvance asiatique je sais pas ce qu’il vous faut :)

En sortant le premier soir après une bonne journée c’est avec un certain questionnement que je me demande si finalement je ne bosse pas plutôt pour Hilips en regardant le logo qui s’illumine dans la nuit :). Why not, après tout !

Tous ces ingrédients sont bien bons pour voir la semaine filer à toute allure. Entre temps, mes soirées se divisent entre repos bien mérité et sorties avec Achille. On se retrouve ainsi une seconde fois à Little India mais cette fois dans un autre resto. « Mais ils font que bouffer ces mecs-là!!", vous direz-vous. Pas faux. Mais qu’est-ce qu’on bouffe bien, alors :)



Ce soir, l’idée c’est que nous sommes en petit comité avec quelques autres clients réguliers. Et le chef va nous faire défiler 10 plats différents, que nous allons goûter tous chacun notre tour, déguster, puis noter. Le grand vainqueur parmi tous ces fabuleux mets aura le droit d’apparaître au menu le mois suivant. Bonne idée et surtout bon plan dégoté par Achille pour s’en mettre plein la panse. A table nous sommes donc seulement 10. Une ravissante singapourienne et son compagnon espagnol, deux japonaises bien sûr, deux couples d’anglais et deux coqs qui savent chanter la Marseillaise ; nous quoi :)


La soirée est encore excellente, pleine de bonnes discussions, de découvertes, d’échanges et de très bonnes dégustations.
J’apprends donc à découvrir la vie dans cette ville aux abords si occidentaux et donc, pardonnez-moi cette conclusion un peu hâtive, mais tellement plus facile à vivre. Je laisse donc ma bruyante et saturée Bangkok de côté pour quelques jours et j’apprécie cet autre mode de vie à la sauce un peu plus Western.

Enfin jeudi soir, à la sortie du boulot une belle surprise m’attend : Ulla, ma petite amie laissée à ses études à Paris est enfin arrivée pour me rejoindre quelques jours sous ces latitudes.

Les retrouvailles sont bien à la hauteur du temps qui nous a déjà séparés, mais ma petite visiteuse ne perd pas de temps et trépigne déjà d’impatience pour découvrir un peu la ville à mes côtés.

Direction Marina Bay en métro. Large comme les trains au Japon, le métro est toujours aussi propre, comme ses habitants qui semblent être passés dans un sas de conditionnement tellement ils sont bien fringués et propres sur eux.
Mais c’est bien là que l’on n’y croit plus trop…car il y a toujours un revers à la médaille. Ainsi Singapour sous ses airs de ville parfaite, où la météo reste aussi chaude que les dividendes des grandes entreprises qui s’y sont installées, se cache un système basé sur l’interdiction à tout va. Pornographie et fellation sont gravement condamnables ici, mais l’interdiction concerne aussi le droit de manger et de boire dans les lieux publics, de cracher dans les rues, de jeter le moindre papier ou mégot par terre et surtout de manger ou vendre des chewing-gums. Eh oui, vous avez bien lu, ce petit pays bien conservateur a même réussi à interdire le chewing-gum, trop fort :)

Ca donne un peu envie de vomir… ah non! j’ai pas le droit, j’avais oublié!! LOL
Enfin comme certains le disent sans langue de bois, Singapour sait interdire tout ce qui est bon.
Après quelques stations on arrive assez vite à Marina Bay. Au sortir de la station on découvre au-dessus de nos têtes de gigantesques buildings en construction.

En pleine soirée, nous sommes pourtant éclairés comme si on était en plein jour par de puissants projecteurs, et tout autour s'agite un paquet de pakistanais et d’indiens qui, malgré l’heure tardive, semblent se relayer sans arrêt pour bâtir la belle vitrine du petit dragon asiatique.



D’un coup cela me rappelle certains reportages sur Dubbaï où on voit les ouvriers qui dorment à même le sol à l’abri de quelques palmiers, et adossés à un simple baluchon.

La vie ne doit pas être aussi joyeuse que ça. Il est clair, en tout cas, qu’on s’est plantés de chemin et qu’on ne voit pas ce que l’office du tourisme local souhaite montrer au grand public.








Le changement de conditions et peut être d’époque s’accélère plus nous avançons et plus nous approchons du Marina Bay Sands Casino Building qui est un hôtel ultra moderne, dressé à l’embouchure de la baie.

Une véritable plateforme en forme de dirigeable posée sur 3 gigantesques buildings de 150m environ et surplombée par un parc verdoyant. Véritable délire d’architecte.
Nous traversons l’immense hall d’entrée et continuons notre promenade sous ses immenses arches lumineuses. Veritable joyau architectural, il est le reflet de ce que les riches de ce monde veulent seulement garder de leur passage à Singapour, loin des quartiers chinois et indiens plus défavorisés. Insouciance, quand tu nous tiens…
Nous, nous continuons sagement notre tour de la baie sous cette nuit fort agréable.



On n'est qu’à seulement 137 bornes de l’équateur et la température reste toujours bonne avec un petit souffle venu du large.





Le lendemain c’est la dernière journée à Singapour. Une grosse journée de boulot m’attend avant de retourner avec Ulla à Bangkok le soir même.



Mais plus important que ça, c’est l'anniversaire d'Ulla aujourd’hui. On saute donc dans la piscine comme chaque matin à l’aube, puis on file au centre commercial manger une petite part de gâteau sur les marches de l’édifice. Peut-être plus symbolique qu’autre chose, cela reste un moment bien sympa qu’on aura du mal à oublier.




Ensuite Ulla s’en ira dans la ville suivre son plan de visite soigneusement organisé à l’avance. Ces quelques photos sont d’ailleurs d’elle, dont la vue du haut du Marina Bay Sands Building que nous n’avions vu que de nuit. Rien de mieux pour apprécier la vue sur la baie et dans le dos, la mer avec ses bateaux en attente de débarquement.






Le soir on file à l’aéroport sans trop avoir le temps d’apprécier un peu plus la ville. Un arrêt au stand chocolat et on est repartis :) A nous Bangkok.

Encore une belle découverte, pleine de bons moments et de contradictions, de bonne rencontres et d’interrogations. A bientôt Singapour, j’en suis sûr.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire